5 fausses règles sur la création de logo

Depuis quelque temps, il n’est pas rare d’assister à la promotion de règles graphiques qui semblent bien établies et qui sont souvent relayées par des professionnels débutants. Bien que la compréhension et la promotion de notions élémentaires de graphisme soient importantes, et que les nouvelles générations de graphistes doivent faire leurs premiers pas en démontrant leur expertise, un positionnement sclérosé, malhabile, voire erroné, délivré sans maîtrise ni expérience, peut avoir des effets néfastes sur la bonne compréhension du design par les clients. Cela peut également ancrer une absence de nuances dans un secteur pourtant sans limites.

Pire encore, ces règles semblent toutes délivrées de la même manière par des professionnels qui ont des formules incantatoires, tout en promettant paradoxalement de rendre leurs clients uniques et inoubliables. Or, il est très singulier de prétendre pouvoir différencier des clients de tous horizons en appliquant mécaniquement des règles relayées comme des paroles d’évangile.

Cet article vise donc à faire le point sur certains réflexes graphiques, mais aussi à désamorcer des croyances infondées concernant les règles sur la création de logo qui induisent en erreur les clients néophytes .

Parmi ces fausses règles, on retrouve :

01. Il ne faut pas représenter l’activité dans le logo

Il est vrai que cela peut être désuet et trop simple (surtout si le logo a été bricolé avec trois icônes de Google). C'est aussi (trop) souvent la marque d'un logo bas de gamme trouvé dans les banques d'icônes. Un logo représentatif peut également trahir la volonté exacerbée du dirigeant de l’entreprise de faire connaître son domaine d’activité au public, coûte que coûte. Cependant, un logo représentant l’activité de la marque est parfaitement viable s’il est correctement réalisé. Cela n’a pas empêché Burger King de se démarquer nettement de ses concurrents. Si votre communication est audacieuse, vous pouvez sans sourciller illustrer n’importe quoi dans votre logo.

02. Le logo doit incarner les valeurs de l’entreprise

C’est totalement faux. À dire vrai, un logo n’incarne rien ; il n’est qu’un signe distinctif permettant de reconnaître un produit créé par une entreprise. Une signature, voilà ce qu'est un logo. Ce qui incarne les valeurs de l’entreprise, ce sont… les valeurs de l’entreprise. Rien d’autre. Si votre logo représente un lion — communément perçu comme un symbole d’audace et de force — mais que votre marque ne dégage absolument pas ces valeurs ailleurs, eh bien votre logo n’incarnera rien, si ce n’est un simple lion, certes majestueux par nature, mais inerte par son aura. La marque Sony n’a pas de pictogramme, mais ses valeurs, que sont la simplicité et le modernisme, se trouvent ailleurs. Un logo n’incarne donc pas de valeurs ; il les répercute, les reflète, les marque, mais n’en est absolument pas le vecteur.

03. Le logo doit véhiculer des émotions

Rien que ça ? C’est tout aussi faux. Un logo n’est pas un tableau, ni un film, ni une musique. Il est la signature de l’entreprise. De votre côté, ressentez-vous de l’émotion grâce aux souvenirs que vous avez dans une maison, ou grâce à votre signature sur le contrat de bail ? C’est la même chose pour un logo. Pour qu’un logo puisse véhiculer des émotions, il faut d’abord les créer. Ce sont donc les autres actions de la marque, comme les campagnes publicitaires, qui génèrent des émotions. Le logo ne fait que rappeler le souvenir de ces campagnes, de ces moments, de ces époques. Bien sûr, un logo peut faire sourire, être audacieux, dérangeant. Mais n’oubliez pas qu’il fait partie d’un ensemble et que, tout comme pour les valeurs de l’entreprise, ces émotions se trouvent ailleurs. Si vous prenez le logo de la marque Evian, ces montagnes figées véhiculent elles la même émotion qu'une de leurs publicités ?

04. Le logo doit être intemporel

C’est un des mythes les plus répandus dans le monde du design ; un mythe, qui plus est, facilement débunkable par le nombre incalculable de planches d'évolution des logos de marques qu'on peut trouver sur le net. Si le logo doit être intemporel, pourquoi alors les entreprises mettent-elles à jour leurs logos tous les dix ans environ ?

Un logo intemporel est un oxymore, car absolument personne ne peut prédire les tendances graphiques qui auront cours dans cinq ou dix ans. La version d’un logo est l’ambassadrice de son époque ; elle prouve qu’une entreprise veut rester visuellement concurrentielle. Pourtant, certaines entreprises conservent le même logo depuis des décennies, dans un style graphique qui n’est plus usité aujourd’hui, sans que cela n’impacte leur branding. Elles misent au contraire sur l’authenticité et le traditionalisme. L’intemporalité d’un logo est donc très subjective, car elle s’apprécie à un moment T ou dépend tout simplement des volontés de la marque de le rendre intemporel, en le faisant vivre au-delà des époques, sans passer par la case rebranding.

05. Le logo ne doit pas être trop détaillé

C’est potentiellement vrai. Un logo fourmillant de détails est visuellement dérangeant, rarement exploitable, et la multitude d'informations va littéralement transformer le logo en carte de visite. Un logo ne doit pas non plus être une illustration. Cependant, certains logos connus comportent des détails élégants qui confèrent richesse et profondeur au branding des marques auxquelles ils appartiennent.

Finalement, quelles sont les règles sur la création de logo ?

Un logo ne se réfléchit pas de manière isolée : il fait partie d’un tout et ne peut véhiculer cet ensemble à lui seul. Prenez donc garde à ceux qui vous donnent des listes préétablies pour la création de logos, en se posant en "Logo Master".

Un bon brand designer reste à l’écoute de l’histoire de la marque tout en étant à l’affût des réalités du marché. Et il n’oublie surtout pas qu’il est un créatif ; il doit donc explorer absolument tous les horizons possibles.

La règle n°1 pour se démarquer avec son identité graphique ? N’adhérez à aucun code : imposez les vôtres et tenez compte des règles préétablies, mais seulement pour aller au-delà.